Chemin de sainteté

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Le grand bazarre liturgique

Entre une messe à la Fraternité Saint-Pierre et une messe à la Fraternité Saint-Pie X, entre des "rites" et des "formes", entre l' "ordinaire" qui existe dans le missel et dans l'imagination de certains clercs mais rarement dans les paroisses et l' "extraordinaire" qui est valide mais non licite ici et valide et licite là-bas, comment veut-on que le fidèle lambda y comprenne encore quelque chose? Les évêques eux-mêmes donnent l'impression d'avoir perdu le peu de latin qu'ils savaient encore; ils semblent parfois patauger dans un grand bourbier qu'ils ont eux-mêmes laisser creuser, parfois en fournissant les pelles.

Les fidèles, eux, ont trouvé "le truc": ils sautent à pieds joints par-dessus ces subtiles distinctions de rites, de formes, de langues, d'orientation... et vont à la messe là où ça leur plaît. C'est d'ailleurs ce goût pour des "liturgies à la carte" qui rend la situation actuelle si difficile à gérer et à comprendre.
Car qui peut comprendre que si la messe de bien des charismatiques n'est pas correcte liturgiquement parlant, elle reste davantage acceptable aux yeux de beaucoup que la messe des "tradis" qui elle, est correcte?

Qui peut comprendre qu'un évêque qui concélèbre une messe bricolée avec des protestants puisse aussi chanter une messe "tridentine" avec des "tradis"? En quoi croit cet évêque lorsqu'il dit "le Corps du Christ" à des luthériens et "Corpus Domini nostri Iesu Christi custodiat te in vitam aeternam" aux fidèles bénéficiant du Motu proprio Summorum pontificum?

Qui peut comprendre que tel cardinal qui bricole systématiquement la liturgie dans sa cathédrale puisse aller en catimini dans une communauté traditionnelle où il portera cappa magna et barrette et où il "prendra son pied" en célébrant au maître autel une "bonne vieille messe" intégralement en latin (en espérant que les fidèles de son diocèse n'en sauront rien)?

Bref, qui, dans une telle pagaille, peut encore avoir une claire vision de ce qu'est l'Eucharistie? Qui peut encore comprendre en quoi consiste la liturgie?

Il fut un temps où la messe était partout la messe: on la reconnaissait même si d'une paroisse à l'autre existaient des variantes - généralement dues aux tics et aux manies du célébrant -. Aujourd'hui, la messe est "un peu plus messe" ici qu'ailleurs et un peu moins "liturgie" là-bas qu'ici...

En certains endroits, il faut même s'interroger longtemps après le début de la célébration pour savoir si l'on est bien dans une église catholique et si l' "agité" qui pérore derrière une table, là-bas, entre un vase et deux cierges, est un prêtre ou n'est qu'un animateur liturgique.

Il y a désormais tellement de variantes liturgiques - légitimes ou non - que certains fidèles en arrivent à se demander si Benoît XVI, lorsqu'il célèbre la messe, respecte le missel romain. A leurs yeux, ce n'est pas certains puisque, dans nos paroisses, lorsque le Curé prétend suivre le missel romain, ça ne donne pas du tout la même liturgie que celle du pape... Une grande différence vient sûrement de ce que quand le pape célèbre la messe, on comprend qu'il s'adresse à Dieu, tandis que quand c'est le Curé de la paroisse qui célèbre la messe, on en arrive à penser qu'il parle plutôt aux gens qui sont devant lui... Et puis, à Rome, on entend presque que du latin - comme chez les "tradis" - alors que dans les paroisses, le latin est interdit...

Ainsi, ce qui est normal en liturgie devient suspect; ce qui est simplement permis est rendu obligatoire; ce qui est interdit est souvent rendu possible; ce qui ne s'est jamais fait doit être expérimenté et ce qui s'est toujours fait doit être supprimé.
Le prurit du changement pour le changement, le goût pour l'anarchie et l'attirance pour le non-conventionnel, le penchant pour le relooking liturgique permanent, atteignent à présent les fidèles après avoir durablement touché bon nombre de célébrants qui se sont employés à donner le mauvais exemple partout où ils passaient.

Désormais, on trouve le fidèle qui aime les messes où le célébrant fait plus ou moins ce qui lui passe par la tête; le fidèle qui ne supporte pas un mot de latin; celui qui veut bien des chants latins à condition que ce ne soit pas du grégorien ("Taisé, oui, Solesmes, non!"); celui qui veut du "tout latin dos au peuple S. Pie V"; celui qui préfère le "tout latin dos au peuple Paul VI"; celui qui veut du "tout latin Paul VI mais face au peuple"; celui qui prend ce qu'on lui donne pourvu qu'on ne vienne pas le "bassiner" avec des histoires de liturgie; celui qui veut du latin mais pas de communion sur la langue; celui qui veut bien la communion à genoux à condition que la messe ne soit pas en latin; celui qui aime bien le pape quand il remet du latin mais pas quand il remet la confession individuelle; celui qui aime bien le pape quand il publie un Motu proprio en faveur de l' "ancienne messe" mais pas quand il dit qu'il faut obéir au Concile... etc.

A tout ceci, il convient d'ajouter des problèmes de terminologie qui mettent encore un peu plus de confusion dans les esprits: "messe de toujours", "messe traditionnelle", "messe de S. Pie V célébrée... avec le missel du Bx Jean XXIII", "messe de Paul VI... célébrée avec le missel de Jean-Paul II", "nouvelle messe", "rite romain selon la forme ordinaire", "rite romain selon la forme extraordinaire"... etc.

Au milieu de tout ça sont publiés des sondages (celui de "Paix liturgique" pour n'en citer qu'un) qui prétendent demander à des fidèles qui n'y comprennent plus rien ce qu'ils préfèrent en matière de liturgie, et sont diffusées des déclarations d'évêques qui, tout en célébrant n'importe comment, rappellent qu'il faut respecter la liturgie...

Quelle(s) solution(s) pour sortir de cet imbroglio liturgique qui faisait dire au Cardinal Ratzinger: "Aujourd'hui, on peut se demander si, après tout, il y a encore un rite latin; la conscience de ce rite n'existe certainement plus guère. Aux yeux de la plupart, la liturgie apparaît plutôt comme une chose à réaliser par chaque communauté, tâche en vue de laquelle les groupes concernés bricolent de semaine en semaine leurs "liturgies" propres avec un zèle aussi admirable que déplacé. Cette rupture dans la conscience liturgique fondamentale me paraît être ce qu'il y a ici de véritablement funeste." (La célébration de la foi, 1981)?

Qui pourra colmater durablement la brèche qui a gravement altéré la conscience liturgique des fidèles, qu'ils soient clercs ou laïcs? Le pape? Disons-le clairement: il ne pourra rien sans le soutien d'évêques ouvertement acquis à sa cause et correctement formés à la liturgie, c'est-à-dire capable de la célébrer, de la comprendre, de l'enseigner, et fermement décidés à mettre un terme aux déviations qui se manifestent dans la célébration de la Foi.

On aimerait voir et entendre plus souvent de tels évêques... s'il en existe dans les diocèses de France!


Texte trouvé ici. Je le mets car je connais bien cette situation (que je trouve ici parfaitement résumée) pour l'avoir vécue moi-même.


31/05/2010
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