Chemin de sainteté

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Concile et après-Concile, par le Cardinal BIFFI

Dans ses mémoires, le Cardinal Biffi parle de ce que fut le Concile et l'après-Concile (pp. 191-194). Extraits:

"Pour apporter un peu de clarté dans la confusion dont souffre aujourd'hui la chrétienté, un préliminaire incontournable est de faire avec le plus grand soin une distinction entre l'événement conciliaire et le climat ecclésial qui en a été la suite. Il s'agit de deux phénomènes différents et qui demandent une évaluation différenciée.

Paul VI a cru sincèrement au concile Vatican II et à son importance positive pour la chrétienté tout entière. Il en a été un protagoniste décisif, qui en a suivi les travaux et les discussions avec une attention de tous les jours et qui l'a aidé à surmonter ses difficultés de parcours récurrentes. Il s'attendait à ce que, en raison de l'engagement commun de tous ceux qui portaient le charisme apostolique et du successeur de Pierre, une époque bénie de vitalité accrue et de fécondité exceptionnelle commence tout de suite à faire du bien et à apporter du bonheur à l'Eglise.

Au contraire "l'après-concile", dans beaucoup de ses manifestations, lui a apporté des préoccupations et des déceptions. Alors, avec une admirable franchise, il a fait part de son affliction; et la lucidité passionnée de ses propos a frappé tous les croyants; du moins ceux dont la vision n'était pas trop perturbée par l'idéologie.

Le 29 juin 1972, jour de la fête des saints Pierre et Paul, il en arrive à affirmer, dans une improvisation, qu'il a "le sentiment que, par quelque fissures, la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu. Il y a le doute, l'incertitude, la problématique, l'inquiétude, l'insatisfaction, la confrontation. On ne fait pas confiance à l'Eglise... On croyait qu'après le concile viendrait une journée de soleil pour l'histoire de l'Église. Au contraire, ce qui est venu, c'est une journée de nuages, d'obscurité, de recherche, d'incertitude... Nous croyons que quelque chose de préternaturel (le diable) est venu dans le monde pour troubler, pour étouffer les fruits du concile oecuménique et pour empêcher l'Eglise d'exprimer par un chant sa joie d'avoir repris pleinement conscience d'elle-même".

Voilà des propos douloureux et sévères sur lesquels il n'est pas difficile de réfléchir.

Comment a-t-il pu se faire que, à partir des déclarations légitimes et des textes de Vatican II, on en soit arrivé à une situation si différente et si éloignée? La question est complexe et les raisons sont multiformes; mais il ne fait aucun doute qu'est également intervenu un processus d'aberrante "distillation" (si l'on peut dire), qui a extrait, du "donné" conciliaire authentique et contraignant, une mentalité et une mode linguistique tout à fait hétérogènes. C'est un phénomène qui affleure çà et là dans "l'après-concile" et qui continue à se manifester de manière plus ou moins explicite.

Pour nous faire comprendre, nous pourrions nous aventurer à présenter schématiquement le processus de cette étonnante "distillation".

La première phase consiste en une approche discriminatoire des textes conciliaires, qui distingue d'une part ceux qui sont acceptés et que l'on peut citer et d'autre part ceux qui sont inopportuns ou tout au moins inutiles, qu'il convient de passer sous silence.

Dans la seconde phase, on reconnaît comme un précieux enseignement du concile non pas ce qui a été formulé en réalité, mais ce que la sainte assemblée nous aurait donné si elle n'avait pas été entravée par la présence d'un grand nombre de pères conciliaires rétrogrades et insensibles au souffle de l'Esprit.

Dans la troisième phase, on insinue que la véritable doctrine du concile n'est pas celle qui a été effectivement formulée et approuvée canoniquement, mais celle qui aurait été formulée et approuvée si les pères conciliaires avaient été plus éclairés, plus cohérents, plus courageux.

Avec une telle méthodologie théologique et historique - elle n'est jamais formulée de manière aussi claire mais elle n'en est pas moins implacable pour autant - on imagine facilement le résultat qui en découle: ce qui est adopté et valorisé de manière presque obsessionnelle, ce n'est pas le concile qui a été effectivement célébré, mais (pour ainsi dire) un "concile virtuel"; un concile qui a sa place non pas dans l'histoire de l'Eglise, mais dans l'histoire de l'imagination ecclésiastique.

Et quiconque se hasarde, même timidement, à ne pas être d'accord reçoit la qualification infamante de "préconciliaire", quand il n'est pas carrément rangé parmi les traditionnalistes rebelles ou les intégristes exécrés.

Et puisque, parmi les "distillats frauduleux" issus du Concile, on trouve également le principe selon lequel il n'y a désormais plus d'erreur qui puisse encore être condamnée au sein du monde catholique si ce n'est celle de pécher contre le devoir prioritaire de compréhension et de dialogue, il devient difficile aujourd'hui, pour les théologiens et les pasteurs, d'avoir le courage de dénoncer avec vigueur et ténacité les poisons qui sont en train d'intoxiquer progressivement l'innocent peuple de Dieu."


Tout est dit, et bien dit : en liturgie - et dans bien d'autres domaines - nous n'appliquons qu'un concile virtuel né dans l'imagination de certains ecclésiastiques. Benoît XVI s'emploie à éliminer les résultats catastrophiques de ce "concile virtuel" afin de revenir enfin à ce que Vatican II a vraiment enseigné et qui ne se comprend qu'à la lumière de la tradition vivante.


Lu sur Proliturgia, source.




17/11/2010
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